Un an en argentique

Il y a un peu plus d’un an, j’ai franchi le pas et je me suis lancé dans la photo argentique, sans pour autant abandonner le numérique, ces deux techniques étant complémentaires. Même si je ne suis pas assez jeune pour ignorer la joie de charger une pellicule dans un boîtier, je n’avais jamais réalisé de développement moi-même, bien que mon intérêt pour la photographie ait débuté quand j’étais ado avec mon reflex Ricoh KR-5 SUPER II.

Bref… Si je me lance dans la rédaction de cet article, c’est simplement par envie de partager cette expérience nouvelle pour ceux qui hésitent encore à s’essayer à la photo argentique. Je ne vais pas dévoiler ici de grands secrets, car toutes les informations sont disponibles sur le Net ou dans les livres, mais je vais essayer de retracer le cheminement de cette année en m’intéressant particulièrement au développement d’une pellicule « noir et blanc ». Je m’excuse d’avance auprès des puristes qui me liraient, par hasard, si je ne suis pas assez précis ou exhaustif.

Mais pourquoi donc, me direz-vous, s’embêter à retourner vers l’argentique avec sa chambre noire, sa chimie et tout l’apprentissage nécessaire, alors que le numérique m’offre tout un tas possibilités que je maîtrise correctement, que ce soit avec un reflex et des outils de retouches très performants ou bien avec un smartphone et toutes ses applications amusantes et simples d’utilisation ? Cette envie n’est pas venue du jour au lendemain, mais s’est construite sur plusieurs mois. J’avais la volonté d’élargir mes moyens d’expression photographiques et de sortir des images maîtrisées du numérique et de la routine installée avec ces outils. Il y avait aussi quelque chose en moi qui me disait qu’il n’était pas possible de s’intéresser à la photographie sans avoir jamais développé un film de sa vie.

Premières approches

Avant d’effectuer mon premier développement d’une pellicule noir et blanc, j’ai (re)pris contact avec la version analogique de la photo grâce au Polaroïd. On peut trouver des appareils pour pas cher et « Impossible » permet de se fournir en films. Avec ces petites machines, on retrouve le côté magique de la photo qui apparaît doucement grâce à une réaction chimique et ça marche aussi, même sans agiter le Pola frénétiquement, une fois celui-ci sorti de l’appareil ! Ensuite, j’ai participé à un stage sur la pratique du Sténopé avec Annick Maroussy (Sténopamy). Même si j’avais bien l’intention d’aller explorer le monde de l’argentique, ce stage m’a permis de faire sauter les quelques appréhensions que j’avais encore. Tout comme avec le Polaroïd, c’est le côté jubilatoire et magique de voir l’image sortir du papier qui ravit. Surtout qu’ici, la photo était prise avec un appareil qui est ni plus ni moins qu’une boîte en bois avec un trou. J’ai même eu l’occasion au cours de ce stage de fabriquer moi-même le révélateur : le caffenol. J’avais pris tellement de plaisir qu’il ne me restait plus qu’à me lancer dans le développement d’une pellicule.

Développer sa première pellicule noir et blanc

On y est, mais avant tout il me fallait un appareil pour shooter. Par habitude je me suis tourné vers les reflex, mais un petit compact aurait pu faire l’affaire. Mon AE-1 Program en main, je réalise mes premières photos. Le film une fois fini, on ne peut plus reculer : il faut le développer. Après avoir potassé différents sites internet et l’excellent livre de Philippe Bachelier, pour apprendre les différentes étapes du développement d’un film en noir et blanc, je me retrouve donc dans ma salle de bain, que j’ai calfeutrée, afin obtenir le noir absolu… et c’est parti.

Pour réaliser votre développement vous aurez besoin d’une cuve avec au moins une spire (Paterson ou Jobo), d’éprouvettes graduées et de la chimie nécessaire au développement (révélateurs, bain d’arrêt, fixateur et agent mouillant). Vous pourrez lire sur Internet que le bain d’arrêt peut se faire avec du vinaigre et que certains se passent de l’étape agent mouillant, mais ce n’est pas mon cas.

La mise en spire

La première étape est celle que je redoutais le plus, car pour le reste il suffit de suivre la recette. Cette étape consiste à mettre le film dans la spire puis à la positionner dans la cuve de développement, tout cela dans le noir absolu ! Pas question de lumière rouge (inactinique)… Je dois avouer que je m’étais entraîné au préalable en sacrifiant un film (que je rembobinais) en le faisant en pleine lumière puis en fermant les yeux et enfin dans le noir. Voici quelques vidéos qui seront plus explicites qu’un long discours.

https://www.youtube.com/watch?v=-8gpMOe4FE8

https://www.youtube.com/watch?v=iVF4rmAfXSA

https://www.youtube.com/watch?v=yTVvibzQqVs

Une fois cette étape finie, vous pouvez rallumer la lumière : la cuve va préserver votre film de la lumière, tout en permettant l’introduction de la chimie.

Maintenant, il faut préparer révélateur, bain d’arrêt et fixateur.

Pour la suite des explications, nous prendrons l’exemple suivant: nous imaginerons que nous souhaitons développer une pellicule Kodak Tmax 400 (film 135) dans une cuve Parteson avec du révélateur Tmax dev, de l’Indicet de chez Tetenal comme bain d’arrêt et du Ilford Rapid Fixer comme fixateur.

Les différents bains

Pour un film 135 dans une cuve Paterson, vous aurez besoin de 300 ml de chaque produit. Attention, les produits sont à diluer pour obtenir ces 300 ml. Les dilutions vont varier d’un produit à l’autre et, dans le cas du révélateur, vous pouvez plus ou moins le diluer, mais ce choix aura un impact sur le temps de développement. Pour connaître ce temps, se référer au site Massive Dev Chart. Choisissez votre film et votre révélateur et il vous indiquera les dilutions et les temps associés. Le paramètre de la température influe également sur le temps de développement.

Je choisis ici, pour développer le film, d’utiliser une dilution de 1+4 à 20°C (on utilisera cette température pour l’ensemble des bains) ce qui me donne un temps de développement de 6 min. Je verserai donc, dans mon éprouvette graduée, 60 ml de Tmax dev que je compléterai avec 240 ml d’eau. Pour le bain d’arrêt Indicet, la dilution est de 1+19, ce qui nous donne 15 ml de produit pour 285 ml d’eau. Un temps d’une minute est nécessaire pour arrêter l’action du révélateur. Enfin, pour le fixateur, la dilution est de 1+4 comme pour le révélateur, soit 60 ml de produit pour 240 ml d’eau. Le film sera fixé pendant 2 à 5 minutes en fonction de l’ancienneté de votre fixateur.

On commence par introduire le révélateur dans la cuve, mais on ne reste pas les bras croisés en attendant que les 6 minutes s’écoulent. Il faut agiter la cuve ! Il y a plusieurs techniques d’agitation, mais j’utilise la méthode dite Ilford. Pour le révélateur il faut agitez la cuve pendant les 15 premières secondes après avoir versé le produit, puis 10 s au début de chaque minute suivante. Pensez à tapoter le fond de la cuve 2 ou 3 fois sur la table après chaque agitation, afin d’enlever les bulles d’air qui pourraient laisser des traces sur le négatif. À la fin du temps nécessaire pour révéler le film, videz rapidement la cuve puis introduisez sans traîner le bain d’arrêt pour stopper l’action du révélateur. Agitez pendant 20 secondes et laissez agir le produit le reste du temps (40 s). Videz la cuve puis versez le fixateur. La méthode d’agitation est identique à celle du révélateur. À la fin du temps imparti, récupérez votre fixateur (car on peut l’utiliser plusieurs fois). Maintenant, il faut laver le film afin d’éliminer les résidus de chimie. Remplissez la cuve d’eau, retournez-la 5 fois puis videz-la. Remplir de nouveau la cuve, et la retourner 10 fois, la vider et remplir la cuve une dernière fois et effectuer 20 retournements. Le dernier lavage se fait avec de l’eau déminéralisée et de l’agent mouillant (400 ml d’eau pour 1 ml d’agent mouillant). Agitez les spires en les soulevant 2 ou 3 fois sans faire de mousse, puis laisser reposer 1 min.

C’est alors qu’arrive le moment tant attendu… celui de sortir le film de la spire pour découvrir vos photos ! Quand vous sortez la spire de la cuve… ça paraît un peu sombre (surtout pour les films 135), on se demande si on a réussi… C’est en tirant enfin le film pour le suspendre et le faire sécher que tous vos efforts sont récompensés et que vos zygomatiques viennent vous affubler d’un sourire de satisfaction énorme ! Attendez deux heures pour que le négatif soit bien sec puis coupez-le par bandes de 6 et rangez-les dans des pochettes.

Quelques liens sur le développement d’un film noir et blanc :

http://www.chambre-noire.net/tutorials/001F0110-le-developpement-d-un-film-noir-et-blanc

http://www.danstacuve.org/2012-11-15-le-developpement-noir-et-blanc-a-la-maison/

En vidéo :

https://www.youtube.com/watch?v=DlXl8Lzbt6A

Scanner ses négatifs

Bien évidemment, il est préférable de réaliser un tirage papier de ses clichés, mais je ne peux décemment pas squatter la salle de bain en permanence pour la photo ! La solution de la numérisation s’est alors imposée. Je vais donc me pencher sur cette numérisation du négatif et, si j’en ai le courage, j’écrirai un autre article sur mon expérience de tireur très amateur.

Scanner ses négatifs est un bon moyen de voir ses photos rapidement et de partager son travail. Cependant, quand j’ai scanné mon premier film avec mon Epson v600, j’ai été assez déçu du résultat, car je trouvais que les photos étaient très plates peu contrastées, bref : une espèce d’image grisâtre sans intérêt. C’est là qu’il ne faut pas être trop rigide avec ce retour vers le monde analogique par peur de pervertir votre démarche ! Tout comme dans un tirage papier, vous allez devoir jouer sur les contrastes ou retrouver plus ou moins de matière aux endroits choisis en jouant sur les niveaux et les courbes, sous votre logiciel de retouche préféré.

http://www.suaudeau.eu/memo/Laboratoire/scanner.html

Et alors ?

Mes craintes de me confronter aux aspects techniques du côté obscur de la chambre noire étant dissipées, le travail le plus important restait et reste à faire : réussir à proposer une série de photos cohérente. Je dois dire que je suis loin du compte : je me laisse un peu happer par les possibilités que m’offre la photo argentique et en un an de temps je me suis laissé séduire par le moyen format, mais aussi par de petits délires lomographiques, extrêmement ludiques.

Cependant, cette pratique ne se limite pas à un simple divertissement : elle m’a obligé à mettre de côté les travers du numérique avec son shoot frénétique. Mais si…, vous savez bien ! : quand vous prenez cette photo alors que vous savez pertinemment qu’elle n’aura aucun intérêt, mais que vous la prenez tout même, car vous savez au fond que ça ne changera (ne coûtera) pas grand-chose… Même si ce comportement lié à la technologie numérique n’est pas une bonne pratique photographique à long terme, je pense malgré tout qu’à court terme elle peut être utile à l’apprentissage, car elle permet de multiplier les essais et les erreurs à moindre frais, le tout étant, à un moment donné, de se poser les bonnes questions afin de ne plus laisser votre doigt commander le déclencheur, mais bien votre œil. Au moins, avec l’argentique, on est un peu obligé de se les poser, ces questions, le porte-monnaie nous rappelant souvent qu’il n’est pas envisageable de gâcher de la pellicule à outrance !

Il ne faut pourtant pas non plus espérer que ce simple changement d’outil nous transforme en un nouveau Cartier-Bresson. Même si je reste dans une pratique amateure, elle s’accompagne d’une volonté d’apprendre et de rester ouvert en se cultivant grâce aux expositions, aux magazines et aux autres livres photo. Ces différentes approches ne seront certainement pas suffisantes non plus pour que ma cote vienne détrôner celle d’Andreas Gursky, mais elles ajoutent au plaisir que j’ai à pratiquer cette passion, ainsi qu’à la construction de mon regard photographique. Le travail de la photo argentique a d’ailleurs fait naître chez moi des envies nouvelles : jusqu’ici je n’étais pas très attiré par la réalisation de portraits ou de photos mettant en scène des personnes, en dehors des photos de concerts. Or, sans raison apparente, je trouve à présent que cette technologie analogique convient mieux à ce type de sujet, particulièrement le moyen format. Tout cela reste encore en gestation, mais le fait d’être sorti de mes habitudes m’a donc fait progresser et évoluer.

Si vous hésitez encore à franchir le pas, je ne peux que vous encourager à le faire. C’est un réel plaisir de sortir les films de la cuve, de découvrir les photos réalisées quelques jours, quelques semaines auparavant. Et une fois les apprentissages de base effectués, on s’ouvre tout un champ de moyens d’expression. On a accès au moyen format pour un coût plus que raisonnable, alors qu’en numérique il reste rédhibitoire. Au contraire, on peut s’amuser avec les appareils LO-FI des chez Lomography pour retrouver le rendu des Holga et autres Diana. On peut aller vers des procédés de développement alternatif : caffenol, Wineol… et si vous aimez le bleu, le tirage cyanotype…

Tout comme les punks, l’argentique n’est pas mort ( !), mais, au contraire, retrouve un regain d’intérêt dans un monde rempli d’images numériques. Vous trouverez facilement des sites pour vous documenter, des stages ou des clubs photo pour vous mettre le pied à l’étrier et du matériel pour un budget raisonnable en fouillant dans les vide-greniers et sur les sites internet de petites annonces. Alors… Lancez-vous !

Ma page Facebook : JB Daraco

Mon site : www.jbdarasco.com

Biographie :

Noir et blanc, de la prise de vue au tirage – Philippe Bachelier – Eyrolles

Liens :

Polaroid :

https://www.the-impossible-project.com/

http://www.polaroid-passion.com/

Sténopé :

http://www.stenopamy.com/

Le développement et technique argentique :

http://www.danstacuve.org/

http://www.focale-alternative.be/blog/

http://www.pirate-photo.fr/

Boutique web :

http://www.comparateur-argentique.com/

http://www.mx2boutique.com/

http://www.caddyphoto.com/

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